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vendredi 16 octobre 2009

Le temps des jacqueries

Mai 1358, la terre de France s'enflammait avec le soulèvement des "jacques bonhommes", les paysans, laboureurs et manants du royaume. Les causes de cette insurrection, restée dans les livres d'histoire comme un symbole, sont multiples, à la fois d'origine sociale, économique et politique. Elle se termina avec le sac de Meaux (la ville de Jean-François Copé, l'actuel président du groupe UMP à l'Assemblée, amusant...) par les troupes présidentielles... euh... pardon, royales. Réputés riches et privilégiés, ces agriculteurs en avaient pourtant assez de subir impôts, destructions guerrières et mévente de leurs productions...
Comparaison n'est pas raison mais la ressemblance avec les mouvements ruraux de plus en plus radicaux auxquels nous assistons aujourd'hui dans notre pays, souligne la désespérance dans laquelle plonge progressivement le monde agricole français.
Successivement nourrisseurs, exportateurs et aujourd'hui aménageurs, on a demandé, en un demi siècle, plus à cette catégorie socio-professionnelle qu'aucune autre sur notre territoire. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, ils ont dû bouleverser leur mode de vie ancestral pour nourrir une population urbaine affamée par le conflit. Puis en quelques années, ils sont devenus le deuxième exportateur mondial de denrées agricoles, faisant peser notre vin dans la balance commerciale autant que les ventes d'Airbus. A présent, alors que les prix mondiaux s'écroulent, on exige d'eux qu'ils soient exemplaires en matière d'environnement, d'hygiène et de respect des normes européennes. La quadrature du cercle qui les pousse à se révolter contre l'implacable machine économique qui est en train de les broyer.
Pourtant, ils ont fait la fortune des plus grands groupes du CAC40, perles agroalimentaires mondialisées que la planète nous envie, et porté sur les fonds baptismaux la fameuse banque verte, le Crédit Agricole, cette même banque qui, aujourd'hui, les met à genou à coup de comptes bloqués ou de refus de prêts vitaux. Et puis, le pouvoir central les a un peu oublié, n'étant plus de ce monde rural qui a construit la France contemporaine. Ils coûtaient si cher à la nation et à l'Europe et ne représentaient que 4 ou 5% des électeurs...
C'était omettre qu'ils sont les jardiniers de notre quotidien, les peintres de notre paysage et les sculpteurs de notre imaginaire. C'était oublier qu'au delà de la statistique démographique brute et impersonnelle, ils sont le sang qui coulent dans les veines de l'immense majorité de nos concitoyens, que chaque ferme abandonnée fait autant de mal qu'une aciérie qui ferme à Gandrange. A cela s'ajoutent les réformes territoriales technocratiques qui ont élimé durablement le soutien et le bouclier que représentaient les cohortes d'élus locaux toujours prêts, avant, à se mobiliser pour faire digérer un nième loi ou directive.
Ils ne demandent pas grand chose, simplement d'être payés le juste prix de leur harassant travail, pouvoir enfin se regarder en face et faire vivre leur famille comme d'autres le font. Une revendication qui ne viendrait même pas à l'idée de la plupart d'entre nous, tellement elle peut nous paraître évidente. Posez cette question à un facteur, un conducteur de train ou à un professeur que l'on voit dans la rue et l'on entend si souvent dans les médias : accepteriez-vous de travailler 60 heures par semaine pour rien ? Non monsieur ! L'esclavage a été aboli ! L'esclavage peut-être, le servage pas sûr...
Je ne crois plus que notre nation exsangue financièrement puisse faire beaucoup pour nos paysans, peut être imaginer quelques soins palliatifs pour les plus atteints, peut être adoucir une mort certaine. En revanche, j'ai foi en la mobilisation citoyenne d'un nation enfin solidaire de ceux qui ont fait sa fortune et sa réputation dans le monde. Oublions un peu la dictature du prix de notre nourriture. Avons-nous vraiment besoin de 200 grammes de viande dans notre assiette ? 180 grammes au même prix mais produits en France suffisent largement à notre bonheur gastronomique et redonneraient l'oxygène nécessaire à bien des éleveurs. Exigeons plus de transparence dans ce que nous mangeons et buvons, soyons attentifs à notre alimentation et à ceux qui la produisent, autant que nous le sommes sur bien d'autres sujets et je reste persuadé que nos paysans retrouverons l'espoir et l'envie de continuer à façonner notre vie et notre paysage.

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