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jeudi 21 janvier 2010

Les voleurs de vie

Revenant de la convention annuelle du groupement franchisé auquel j'adhère avec mon établissement et après avoir longuement partagé avec nombre de mes collègues gérant de brasseries à l'image de la mienne, il m'a traversé l'esprit que j'appartenais soit à un troupeau de dinosaures sur le point de disparaître soit au contraire à une escouade d'extraterrestres égarés sur une planète hostile...
Nous avons, tous, de gros problèmes de personnel soit pour maintenir les équipes en place soit pour recruter des collaborateurs de qualité. Parallèlement à cela, nous nous efforçons, ensemble, de trouver et mettre en place des outils de gestion des ressources humaines respectant les textes de lois sur le travail, la convention collective et tout le panel ô combien complexe des règlements de toutes sortes encadrant notre profession. Pointeuses, logiciels de planning, contrats précis et clairs, déclarations officielles, il n'est pas d'outils novateurs que nous n'ayons essayés ou mis en pratique. Il s'en suit certes une charge financière plus lourde mais une tranquillité d'esprit et surtout la certitude de respecter la loi et ses obligations.
Pourtant au fur et à mesure de nos dialogues, nous avons ressenti comme une drôle d'impression, celle de d'être les pigeons d'une farce saumâtre, celle "d'être cocus et de payer la chambre". Tous, nous racontions telle ou telle anecdote de collègues et néanmoins concurrents utilisant pléthore d'apprentis si peu payés et si peu considérés, de soi-disant chefs d'entreprise n'ayant aucun contrat respectant la loi, utilisant ces fameux travailleurs "au noir" avec double ou triple planning en cas de contrôle URSSAF ou de l'inspection du travail. Je les appelle "les voleurs de vie" car ils utilisent la crise, le chômage et la jeunesse de leurs interlocuteurs pour les priver d'années de retraite. Comment, quand on est jeune et sans emploi, résister à la tentation d'un salaire même non déclaré ? On a des jambes alertes et toniques, des besoins d'argent et de liberté... Mais c'est au crépuscule de sa vie professionnelle quand ces mêmes jambes sont devenues lourdes et que l'esprit est à l'envie d'un repos bien gagné que ces années de travail sans cotisations se rappellent à votre bon souvenir. Que de vies volées et bafouées pour un intérêt immédiat.
Dans certaines grande villes comme Paris, le taux d'irrégularités relevées frise les 78% des établissements contrôlés ! Et les organismes d'études et de conjonctures estiment que les cotisations et autres contributions camouflées approchent les 50 milliards d'euro par an soit 20 de plus que le déficit total de la Sécurité Sociale. Imaginons, rêvons que tout le monde se mettent à respecter la Loi... Non seulement, on oublierait débats et polémiques autour de notre couverture sociale mais en plus on pourrait certainement baisser les montants des cotisations. C'est ce que l'on appelle un cercle vertueux.
Mais hélas, "l'hypocrisie est un hommage que rend le vice à la vertu" écrivait La Rochefoucauld. Et cette situation hypocrite où tout le monde se renvoie la balle n'a que trop duré. En jouant à ce petit jeu du plus malin que l'Etat et la Loi, nous jouons surtout avec l'existence d'un système de plus en plus fragilisé et avec celle de milliers de jeunes dans l'impossibilité de trouver d'autres solutions que l'illégalité, l'arbitraire et la précarité absolue.

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