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lundi 9 novembre 2009

Lettre à Lucie

Bonjour Lucie... Devrais-je dire bon anniversaire pour tes vingt ans... Tu es née, si je me souviens bien, un jour ensoleillé comme novembre sait nous en apporter quand on a la chance d'habiter à Montpellier. Nous étions tous, dans l'équipe du Comité d'Organisation des Jeux Méditerranéens, à la joie de t'accueillir en ce bas monde. Pris par notre passionnante mission et par les effluves pétillantes de ta naissance, on en a presque oublié de se rendre compte de ce qui se passait pas très loin de chez nous, à Berlin.
Je me souviens, malgré tout, d'images fugaces mais fortes de jeunes et moins jeunes enjambant ce mur tant honni. Je me souviens de ces Trabant pétaradant et fumant bleu, se perdant dans les rues d'un Berlin de nouveau unifié, ressemblant, comme sortis de dessins animés, à de petits animaux aux yeux effrayés par cette nouvelle liberté. Je me souviens des interrogations de tous, grands de ce monde et médias pétrifiés par la vitesse des événements, craignant le retour de bâton du grand frère soviétique. Je me souviens de Mstislav Rostropovitch jouant du violoncelle au pied de ce béton tagué, symbole de mort et de la dictature effondrée. J'avais même offert à ta maman un petit bout de ce béton sacré, contenu dans la pochette du disque du Maître, enregistré pour l'occasion. Finalement, je me rends compte maintenant que je me souviens de presque rien tellement tout s'est passé en douceur, dans la paix et la fraternité.
Aujourd'hui, avec le recul, ta naissance a marqué pour nous tous, aimant notre continent et ses peuples, le début d'une autre ère, éloignant un peu plus le spectre de l'hydre guerrière et de la folie des hommes comme nous la concevions au XXème siècle. Ce que nous ne savions pas, c'est que cela allait être aussi l'anéantissement de nombre d'idéaux, bons ou mauvais, qui avaient construit notre société humaine, ouvrant grand la porte à d'autres extrémismes bien plus pervers et destructeurs car diffus, reposant sur la haine et la négation de l'autre.
Tu es née, Lucie, avec la mort du Mur de Berlin, avec la fin d'un manichéisme de grand papa souvent généreux et si humain. Tu es née, Lucie, en même temps que l'enfantement dans la douleur et la violence de mouvements fondamentalistes de tous poils qui sont en train de dénaturer l'âme et la pensée.
Suivant notre camp et nos convictions, nous n'avions qu'un "adversaire", identifié et souvent respecté. Tu en as des dizaines, anonymes, lâches et amoraux. Dans cette liberté retrouvée, ton avenir est encore plus incertain que ne fut jamais le notre.
Nous aurons encore à t'aider pour que ce mur abattu, mythe de Sisyphe des temps modernes, ne soit pas les fondations d'un monde encore plus injuste, farouche et barbare que celui que nous croyions avoir contribué à effacer pour toi.

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