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samedi 13 février 2010

Bo est mort

A l'heure d'internet, de la mondialisation dévorante et de l'information galopante, il est des drames qui passent presque totalement inaperçus. La mort de Boa Senior, digne vieille dame de 85 ans, ressemble tellement à tout ce qui remplit les avis de décès des"pages froides" de nos quotidiens favoris. Pourtant avec sa disparition, c'est un pan entier de la culture humaine qui vient de s'évanouir.
Elle était la dernière représentante des locuteurs du "Bo", une des dix langues des Iles Andaman et Nicobar à l'est de l'Inde. Sa tribu des Grands Andamanais était installée sur ces îles du bout du monde depuis plus de 60.000 ans et représentait certainement l'une des plus vieilles langues parlées sur notre planète.
Il est courant de dire dans nos campagnes que, quand un aïeul s'en va, c'est une bibliothèque qui brûle... Avec Boa Senior, c'est bien plus encore. C'est la diversité humaine qui s'amoindrit. C'est l'immense beauté de notre terre qui se ternit un peu plus. Les Grands Andamanais ne sont plus que 52 à survivre encore, sur les 5000 qu'ils furent au XIXéme siècle avant la colonisation anglaise. Protégés et volontairement isolés par le gouvernement indien, ils gardent jalousement la tradition d'une petite dizaine d'autres dialectes que le "Bo" mais jusqu'à quand ? Jusqu'à ce que l'anglais, le chinois et l'indi soient les seules langues de milliards de terriens embrigadés ?
Le Grenelle de l'environnement s'est penché à juste titre sur le réchauffement climatique et la préservation d'espèces animales rares mais qui s'intéresse à Boa Senior, grand-mère de l'Océan Indien ? Que sont les Wichi d'Argentine, les Enxet du Paraguay, les Juma du Bangladesh ou les Gana du Botswana pour les grands intérêts économiques ou politiques qui convoitent leurs terres ancestrales ? Des variables d'ajustement, "des créatures de l'âge de pierre" comme l'expliquent ceux qui les pourchassent...
Cependant tous ces peuples en voie de disparition sont les diamants bruts de notre humanité, les perles inestimables de la richesse humaine que nous laissons entrer, sans nous en émouvoir outre mesure, dans les limbes de l'histoire. Dans moins d'un demi siècle, plus de la moitié des 6500 langues encore parlées sur terre aura disparu, vidant définitivement des territoires entiers de leur histoire, de leur culture et certainement de leur avenir. Le "Bo" est mort et, avec cette langue immémoriale, les légendes et la mémoire des îles fascinantes d'Andaman et Nicobar.

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